La Chine limitée par la pénurie de ressources naturelles
Chine rouge Chine verte

l'éditorial de Nicolas Barré
Figaro 26-27 novembre 2005

Entre le développement économique et la santé de ses habitants, la Chine communiste n'a jamais franchement hésité. Rien ne doit entraver la croissance, et c'est ainsi que, revers du miracle, l'usine du monde » est aussi devenue sa poubelle.

Deux catastrophes, d'ampleur inégale, rappellent tragiquement le tribut que ce pays paie à la pollution. Hier, une explosion dans une usine chimique du Sud-Ouest a fait au moins un mort et a entraîné l'évacuation de milliers de personnes. Il y a une dizaine de jours, un autre accident mortel dans un vaste complexe pétrochimique avait contaminé le fleuve Songhua qui approvisionne en eau des millions d'habitants de Mandchourie.

Cette dernière catastrophe a été accueillie avec un mélange habituel de secret et de cynisme par les autorités de Pékin, lesquelles ont d'abord nié la réalité même de l'accident, puis minimisé son importance, et surtout attendu plusieurs jours avant de mettre en garde les populations concernées - et la Russie voisine - contre les risques d'empoisonnement.

Que la Chine ait sacrifié son environnement à la croissance est une évidence. Mais on aurait tort de s'arrêter à ce constat. Le régime a une conscience extrêmement aiguë des limites physiques de l'expansion économique du pays. On le voit dans le domaine de l'énergie où Pékin est obsédé par la conquête planétaire de capacités de production. La Chine encourage ainsi ses champions pétroliers à racheter au prix fort des unités de production partout dans le monde. La Chine s'inquiète avec la même urgence de son manque vital de ressources de base - eau, espace habitable, air non pollué - alors que sa population atteindra bientôt un milliard et demi d'habitants. Un tiers de la superficie du pays est frappé par des pluies acides, les deux tiers de ses réserves en eau sont de mauvaise qualité ou inutilisables, la surface de terres cultivables a été divisée par deux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale... "Le miracle économique chinois va prendre fin car l'environnement ne suivra pas", s'alarmait récemment le vice ministre de l'Environnement, Pan Yue. La civilisation industrielle n'est pas un chemin de développément durable pour la Chine...

La question de la viabilité de la croissance est posé. Les menaces sur la prospérité, beaucoup plus que celles sur la santé publique, poussent une Chine avide de diversification dans les industries à haut valeur ajoutée à se développer dans le traitement de eaux, les énergies alternatives et autres technologies visant à économiser les ressources, des spécialité occidentales jusqu'ici. Le 11ème plan quinquennal, qui débute bientôt, en fait l'une de ses priorités.

Chaque nouvelle catastrophe écologique renforce le régime dans sa conviction que la prospérité de l'empire est menacée par les pénuries de toutes sortes. Le développement des technologies vertes constitue un impératif stratégique pour la Chine rouge.

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